Merci

 

 

Chaque jour plus blessantes et sans merci,
les lumières des hommes. Lumières,
leurs lumières, partout, mauvaises, malignes,
voulant voir, savoir, de nuit, de jour
seul nous sauve encore ce que nous ne savons pas
ni ne voyons : les œuvres du silence et de la nuit,
les lacs noirs, clos, bornés, laqués,
convexes comme des boucliers,
tenus par la poigne obscure des profondeurs.

Poigne obscure des profondeurs,
pudeur extrême des racines,
chaste décence du germe,
discrétion du fauve et de sa proie,
qui sont merci, comme tout ce qui apprend
la sagesse anonyme de convoyer
sucs et vie dans l’inaperçu.

Et toi aussi, merle furtif,
dans le cerisier d’en face,
avec le poker fermé de tes ailes,
avec le tour de magie d’un vol
qu’aucun œil ne verra,
tu es merci.

Et merci aussi l’œil,
tout à coup dans ton bec,
cet œil rouge, impur, scandaleux,
qu’il fallait à tout prix
merci, merci ! –
arracher.

 

8 juillet 2016