Félicitations

« Tu ne pourrais être née à une meilleure époque que celle-ci où on a tout perdu »

Simone Weil

Il faut se réjouir du Prix Nobel de Littérature qui vient d’être attribué au chanteur folk Bob Dylan. Comme il fallait se réjouir de l’entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade du littérateur toc Jean d’Ormesson. Comme il faudra se réjouir de la prochaine béatification du Dalaï-Gaga ou de Lady Lama ou d’on ne sait quel cul-de-jatte paralympique ayant réussi à gravir l’Everest avec ses dents. Les derniers grincheux qui se scandalisent de ce genre de phénomènes ne prennent pas la mesure de ce qui se passe. Au nom de l’ancien canon occidental, ils crient à l’absurde et à l’aberration. Ils s’arrachent les cheveux, ils écument de rage en bavant leurs valeurs défuntes. Tout est rabaissé, tout est avili, clament-ils. Ils ont ma sympathie, mais ils se trompent. Ils sont en retard d’une grandeur. La grandeur se trouve aujourd’hui dans le sens que ces choix nous révèlent. La disparition de toute substance est le destin de l’homme sans Dieu.

Des institutions qui avaient hier un semblant de respectabilité vacillent et s’affalent presque sans un bruit, en soulevant une petite vapeur dont l’insoutenable légèreté frise le ridicule. S’écroulant à la queue leu leu, les unes après les autres, toutes les structures culturelles sont appelé à se dissoudre dans un vide que leurs façades cachent encore au regard des plus crédules. Les masques tombent enfin, et derrière, nous découvrons les trous béants d’une tête de mort où siffle l’haleine glacée de la perdition. Nous avons cette chance de le voir de nos yeux. Nous avons cette chance de pouvoir retirer, en connaissance de cause et très raisonnablement, toute créance aux promesses de la cité terrestre. Il n’y a plus rien à attendre de la société des hommes qui veulent leur perte.

C’est pourquoi nous leur adressons ici nos sincères félicitations car en aucun autre siècle ils n’ont exprimé leur volonté aussi explicitement. Et nous les encourageons dans cette démarche qui rend son objectif chaque jour plus limpide et plus intelligible. Que les choses soient claires : c’est du temps gagné pour nous… et pour l’Eternité.