Vivant dedans dehors,
vivant dehors dedans,
anachorète dont la caverne est un sac à dos,
pèlerin charriant son cloître,
toujours prêt à maçonner le seuil de ta spire
pour récapituler sans témoin,
à l’abri du bruit et du froid,
la figure anxieuse
du monde extérieur,
Quoique tu ailles toujours de l’avant,
tu n’as pas désir de trouver une terre nouvelle,
car tout ce que tu arpentes,
il t’en faut habiter la mesure
et mesurer par la pensée,
pouce après pouce,
les équivalences d’échelle
entre la sphère immense qui t’entoure
et la sphère minuscule où tu loges.
Comme tu adhères pourtant
à la rugosité des choses !
Comme tu n’hésites pas à épouser
de toute ton attention sensible
le tranchant du rasoir et la morgue du caillou !
Comme tu goûtes amoureusement chaque chose
et comme la chose goûtée te parle
et te murmure son nom
– pas le concept qui sert au trafic,
mais la saveur la plus proche du baptême initial,
quand l’ange porte-enseigne
fit à chacun le don d’être un signe !
Grand faiseur de haltes,
petite âme à l’esprit d’escalier,
toi qui sais qu’il n’est d’aventure
qu’au retour, soumise à l’adieu perpétuel
de la gratitude au fond de nous-mêmes,
combien de souvenirs monacalement résonnent
dans les entrailles du tympan profond !
La somme de toutes les errances
et la mémoire de tous ceux qui ont erré sur la terre
ont en toi leur chambre d’échos ! C’est qu’étant né
avec des centaines de milliers d’années en héritage
tu n’aspires qu’à demeurer
dans la Sagesse.
De l’apex à l’ombilic,
lové dans ta nécessité,
écoute ! Ecoute longuement
la patience de Dieu
et les battements du cœur
qui créa tout !